L’apéro au Japon, c’est saké !

L'article ci-dessous, paru dans "Le Monde" nous a été envoyé par un ancien - les infos sur le saké qui suivent proviennent du TRADITION (Jan/Fév 2016)
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L’apéro au Japon, c’est saké

L'apéro, c’est une des activités préférées des Français, surtout l’été… Mais l’apéritif n’est pas l’apanage de l’Hexagone. Cette semaine, l’« izakaya », où les Japonais se retrouvent autour d’un verre et de mets à grignoter.
M le magazine du Monde  (2017/08/04)
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Quelques infos sur cette boisson

En français, le mot saké désigne une boisson alcoolisée japonaise à base de riz. Il s'agit d'un alcool de riz, produit comme la bière par fermentation répétée, titrant de 14 à 17°. En japonais, bien que ce même terme saké () ou o-sake (お酒) (prononciation kun'yomi, le « o » marquant le respect, voir Keigo) désigne cette boisson, son sens peut s'étendre selon le contexte à toute boisson alcoolisée, aussi les Japonais utilisent-ils plutôt le terme nihonshu (日本酒, littéralement « alcool japonais »), pour être plus spécifique.

La Revue des Vins de France consacre un article à cette boisson
Par extension ce terme peut être employé pour désigner le « vin de riz » (米酒, mǐjiǔ, « vin de riz ») ou « vin de céréale » (黄酒, huángjiǔ, « alcool jaune ») chinois, qui comme lui, est fabriqué à partir de céréales cuites à la vapeur, inoculées par un activateur amylo-fermentaire nommé qu en chinois et koji (, simplifié ) en japonais.

Le saké, au coeur de la culture du Japon
Peu connu en France, le saké est très lié à la religion shinto. Sa production est le fruit d'un savoir-faire complexe, maîtrisé au Japon depuis plus de 1000 ans. Reportage dans les sakagura, traduction de maison de saké, d'Hiroshima et de Kyoto.
Hiroshima est le berceau de grands sakés. Un savoir-faire qui peine à se faire une place dans l'image que renvoie la ville. C'est pourtant l'une des principales zones de production du Japon... Avec Saijo, le quartier des sakagura, les maisons de saké. Une renommée comparable à celle d'une autre célèbre région productrice de saké, 50 kilomètres au nord : la préfecture de Kyoto et son quartier de Fushimi. Autre point commun entre Hiroshima et Kyoto : la nature de l'eau, douce dans ces deux régions. L'eau représente 80% de la composition du saké.
Isao Aramaki, vice président de la maison de saké Kamotsuru à Hiroshima :
« Il faut savoir qu'il y a 3 ingrédients d'une importance majeure pour faire du saké. L'eau, le riz et le savoir-faire du toji, qui est le maître sakéificateur. Si une maison veut produire un saké de qualité, il est indispensable de porter une grande attention à ces trois points ».
Le polissage du riz nécessite du matériel de haute précision. Il faut environ 30 heures pour polir 50% d'un grain sans le détruire.
Sylvain Huet, saké samouraï et fondateur de l'Académie du saké :
« Pour faire du saké, il est nécessaire de polir le riz car il contient de l'amidon, c'est-à-dire des formes complexes de sucre qui vont être transformées en alcool. Le riz contient aussi des protéines, des lipides et des oligo-éléments, qui sont souhaitables, en petites quantités seulement. »
Le personnage clé des sakagura est le toji. Il est l'équivalent du maître de chai dans les domaines viticoles. Le toji supervise toutes les étapes de l'élaboration du saké. Parmi elles, la phase minutieuse qui précède la fermentation du riz : la préparation du koji.
Le koji est un ingrédient extrêmement important, c'est du riz qui a été inoculé par un champignon microscopique. On pourrait dire qu'il s'agit d'une moisissure noble, en quelque sorte. Ce champignon, en se développant sur le riz, va libérer des enzymes qui vont transformer l'amidon en sucre. C'est indispensable, car l'amidon n'est pas directement fermentable par les levures.

Kazuhiro Maegaki, de la maison de saké Kamoizumi à Hiroshima :
« L'étape du koji est décisive dans la préparation du saké, car c'est lui qui va donner les arômes caractéristiques de chaque maison de saké. »

Le koji transforme l'amidon du riz en sucre, qui va lui-même donner de l'alcool. Cette double fermentation s'effectue en parallèle et dans une même cuve. C'est l'une des spécificités du saké.

Le saké est malheureusement con-fondu en France avec un certain nombre de boissons distillées, comme des eaux-de-vie ou des vodkas de riz. Le saké appartient à la même famille que la bière, le cidre et le vin, c'est une boisson qui est simplement fermentée.

Le Japon maîtrise l'élaboration du saké depuis 1000 ans. Même si sa consommation chute dans le pays depuis une trentaine d'années, il reste solidement ancré dans la culture nippone, en particulier dans le domaine religieux.

Le saké a toujours été lié à la religion shinto, c'est une religion animiste qui considère que tous les êtres, les arbres, les animaux, les pierres sont des divinités. Le saké est à la fois une offrande, mais aussi un moyen de communiquer avec ces divinités.
L'empereur japonais dispose d'une cuvée spécialement préparée à son attention, produite à partir de sa rizière personnelle.

Mototsune Aikawa, toji de la maison de saké Gekkeikan à Kyoto :
« Le palais impérial nous fait l'honneur chaque année de nous confier la production du saké de l'empereur. Ce saké est destiné à une cérémonie très importante, chaque novembre, en l'honneur des divinités pour les remercier des bonnes récoltes de riz. Pendant cette cérémonie, l'empereur boit le saké que nous avons préparé pour lui. Pour le réaliser, nous employons une méthode très ancienne qui remonte au 8ème siècle. »

Les Japonais boivent du saké en apéritif ou pendant les repas. Sa large palette aromatique offre de beaux accords avec une multitude de mets, y compris des plats de la gastronomie française.

Mariko Enoki, de la maison de saké Hanahato à Hiroshima :
« Comme il y a beaucoup de sortes de saké, il faut le choisir en fonction du plat. Par exemple, le saké nigori (saké trouble) s'accordera bien avec la friture. Le saké âgé s'accordera bien avec du chocolat, du fromage et du foie gras. Le saké "ordinaire", comme le ginkô (il reste moins de 60% du grain de riz après polissage) et le junmai (saké "pur riz" sans alcool ajouté) s'accorderont bien avec du poisson, des sashimis et des sushis. »

Sylvain Huet :
« Le saké peut très bien se boire avec du foie gras et du caviar, mais aussi avec des produits plus simples comme des légumes. Avec certains sakés, il peut se boire avec des fromages à pâte dure et fleurie. »

Le saké se marie naturellement avec le poisson, mieux qu'avec le vin, d'après des chercheurs japonais.
Nami Goto-Yamamoto, vice-présidente de l'Institut national de recherche sur le saké :
« Quand on boit du vin avec des poissons japonais, on remarque que le vin prend le goût du poisson. Si le saké s'accorde mieux que le vin avec le poisson, c'est pour une raison très simple : le saké contient moins de fer que le vin. Or, le fer présent dans le vin ne convient pas au goût du poisson, contrairement au saké qui l'accompagne et l'enrichit. »

Il existe une multitude de sakés, dont les saveurs et les styles varient en fonction de plusieurs facteurs : le degré de polissage du riz, la nature de l'eau, la précision du filtrage. Il existe même des sakés effervescents et des sakés vieillis.

Sylvain Huet :
« Nous avons ici deux sakés très différents. Voici un premier saké de la région de Kyoto, qui est un saké très léger, élégant et aromatique, on pourrait le qualifier de "féminin". Il s'appelle "Le bleu du ciel" ou "Le ciel bleu". C'est un saké junmai (pur riz, sans alcool ajouté) dont l'acidité omniprésente s'équilibre avec une dimension aromatique fruitée et florale. Voici un saké de la région d'Hiroshima, qui est un saké très particulier. La robe est d'un beau ambre, mais de manière inhabituelle c'est un saké vieilli. Le saké s'apprécie généralement jeune, dans sa première année, dans laquelle il est plus expressif. Dans ce saké, nous avons remplacé une partie de l'eau par du saké. La dimension aromatique est très différente des sakés habituels, ses arômes de fermentation se rapprochent de la sauce soja, avec des arômes de type caramélisé. C'est un saké que l'on peut tout-à-fait marier avec des desserts, ou bien avec un foie gras puisqu'il est extrêmement doux en bouche. Je vous souhaite une bonne dégustation de saké, et comme on dit ici au Japon, Kampaï ! »


A la première coupe, l'homme boit le vin : à la deuxième coupe, le vin boit le vin ; à la troisième coupe le vin boit l'homme.
Proverbe japonais
 

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