Gauff au suc..


Bientôt ce sera la Foire d'Octobre haut lieu la de consommation de gaufres, lacquemants et croustillons...
Cet article envoyé par Henri Sottiaux (60) est extrait des chroniques gastronomiques « Père & Fils » - l’émission de Patrick Perret sur RTL

Après avoir découvert la fève en mordant dans une galette des rois qui s’est autodétruite 10 secondes plus tard dans une explosion d’amandes et de pâte feuilletée, nous avons accepté la mission : remonter à l’origine de la gaufre et en faire découvrir quelques spécialistes. Pourquoi tant de précautions me direz-vous, pour un sujet apparemment aussi anodin ? « Que neni », dirait-on à Liège, cette enquête est une véritable bombe.
En effet, annoncer aux lecteurs que la gaufre est une invention grecque et que l’origine du lacquemant, célèbre spécialité liégeoise, est française, non seulement il y a danger, mais il y a véritablement risque de révolution ! Et pourtant c’est la vérité. C’est pour cela que nous allons vous emmener successivement à Binche, Tournai, Lille et Anvers sur le sentier de la gaufre, ou plus exactement des gaufres.
La boulangerie Beukens ne paie pas de mine, mais, à elle seule, l’arrière-boutique vaut le déplacement. Cette caverne d’Ail Baba, dans laquelle on va de surprise en surprise, nous a permis de découvrir les biscuits « petits gilles », les véritables patiences de Binche, les pavés binchois et les fameuses couilles de Suisse que la décence m’interdit de vous expliquer et surtout de vous montrer pour tout renseignement supplémentaire à ce sujet, vous pouvez toutefois nous écrire en joignant une photocopie de votre carte d’identité prouvant que vous êtes déjà en âge de mordre dedans).
Mais avant de passer aux gaufrettes pur beurre maison, but de notre visite, nous avons encore exploré la moutarde- rie, la seule du Hainaut, et la cave du XIXe siècle dans laquelle les liqueurs vieillissent en fût de chêne, les fruits et les plantes macèrent dans des bonbonnes en verre et les visiteurs ont droit à une dégustation, quelle que soit l’heure.

LES GAUFF ‘AU SUC’ En effet, il existe nombre de recettes et de spécialités de gaufres en Belgique : la gaufre de Bruxelles, la gaufre de Liège, la gaufrette traditionnelle, le succès du jour de Tournai ou encore le lacquemant. La gaufre est une telle institution en Belgique que, dans la région liégeoise, un groupe de cinq musiciens de talent s’est même baptisé « Les Gauff’ au suc ».
Curieusement, nous n’allons pas vous emmener à Liège pour des raisons qui vous échappent encore mais qui ne vont pas tarder à vous apparaître.
Direction : Binche. Pourquoi ? Et pourquoi pas, surtout s’il y a à quelques kilomètres de là un petit village du nom de Leval-Trahegnies qui abrite un artisan boulanger, pâtissier, biscuitier, moutardier, liquoriste aussi cultivé que bavard et accueillant Vincent Cassel.

UNE JOURNÉE BIEN CRAQUANTE
11 h 00 du mat’, c’est tôt pour déguster une délicieuse liqueur de pêche qui ne descend pas en dessous de 7° d’alcool malgré les glaçons qui la rafraîchissent. Le Père est ravi, Tom, le photographe, redoute le flou et le Fils a du mal à relire ses notes sur les gaufrettes.
Tout le monde se retrouve ensuite devant le four automatique à gaufrettes, le verre à la main. Mais ne croyez pas, parce que j’ai dit « automatique », qu’il s’agit ici de production industrielle, ce serait indigne de notre part et de celle de Vincent Cassel, respectueux des traditions du terroir.
Quant à l’automatisme proprement dit, pour l’avoir testé, nous pouvons vous dire que le métier de pâtissier n’est pas un métier facile. Les cadences sont infernales pour des néophytes comme nous. Il faut dire que la machine, datant de 1960, peut avoir un rendement de 5 200 gaufrettes à l’heure, si ça suit derrière. Et je peux vous dire que derrière, quand nous étions aux commandes, ça ne suivait pas D’autre part, pour faire une bonne gaufrette, le secret réside dans la bonne recette (vous n’aurez plus d’excuses pour les rater car Vincent Cassel flous a livré la sienne) et un moule en fonte.

LES GAUFRES DE GRAND-MÉRE CÉLESTINE Sur certains, la gaufre peut avoir le même effet que la madeleine de Proust. C’est le cas de Vincent Cassel qui évoque les gaufres de sa grand-mère Célestine. “Je me rappelle mes souvenirs d’enfance, quand Grand-Mère Célestine préparait un plein seau de pâte légère qu’elle mettait à pousser sous un essuie de cuisine. Le poêle à charbon diffusait une douce chaleur et donnait la bonne température à la pâte qui commençait à remplir le seau métallique émaillé. Alors, on déballait de son papier gris le fer à gaufres de 4 trous sur 6 qui pendait habituellement dans la remise en attendant un jour de fête. Le fer prenait place sur le rond de la cuisinière, permettant le retournement aisé du gaufrier sur le feu. Après un moment, un morceau de lard gras piqué sur une fourchette venait caresser les deux côtés du fer et la graisse grésillait la chaleur. La pâte, transvasée par portions dans le pot appelé « el petit garlot », était versée sur une des parties du moule. Celui-ci était ensuite refermé et le fer était retourné immédiatement afin que la pâte remplisse l’autre côté. La cuisson commençait aussitôt et la vapeur sortait avec force du fer a gaufres emplissant la cuisine d’une agréable odeur de pâtisserie. Quand la cuisson était terminée, la gaufre dorée et croustillante était extraite du fer grâce à une aiguille à tricoter et allait rejoindre ses compagnes sur la grille à tarte.”

LE SUCCÈS DU JOUR Sur les conseils de Vincent Cassel, nous prenons la direction de Tournai pour y découvrir une espèce en voie de disparition : le succès du jour, une délicieuse gaufrette molle fourrée de crème au beurre à la vanille ou à la cassonade. Un must en la matière qui, curieusement, ne fait plus recette. Il devient presque difficile de trouver un pâtissier réalisant encore cette spécialité, pourtant toujours fabriquée, pour la grande distribution, dans une usine de la région.
Tournai n’étant pas loin de la frontière française, nous sommes tombés sur un pâtissier qui nous a parlé du lacquemant, une galette assez similaire au succès du jour mais fourrée d’un sirop de sucre spécial, que l’on produit à Lille, en France.
Surprise de notre part ! Que dis-je, grosse, énorme surprise! Notre culture culinaire n’est pas sans bornes, nous pensions tout de même que le lacquemant était une spécialité typiquement liégeoise. Devant l’insistance de notre interlocuteur qui possédait les coordonnées d’un certain Patrick Lacquemant, rue de Béthune à Lille, notre curiosité l’a emporté.

LE LACQUEMANT Direction la French Connection et le piétonnier du centre de Lille, où nous découvrons un marchand de gaufres et de beignets à la belge. Le nom de l’établissement s’affiche sur la façade: Lacquemant. On y trouve toutes les spécialités de foire : gaufres de Liège, gaufres de Bruxelles, croustillons hollandais mais pas la moindre trace de lacquemant et pour cause, chez Lacquemant, on n’en fabrique pas!
Et pourtant c’est ici même qu’au début du siècle, le lacquemant a été créé par un apprenti pâtissier de Gustave Lacquemant, un certain Désiré Smitds. Au départ d’une petite boule de pâte, cuite au fer à gaufres, il la fourra d’un sirop de sa création et s’empressa de la baptiser du nom de son employeur. Véritable gourmandise depuis plus de 100 ans, le célèbre lacquemant a été popularisé sur les foires foraines en Belgique par Désiré et ses descendants devenus, entre-temps, Désiré de Lille.
C’est en 1821 que l’arrière-grand- père de Patrick Lacquemant, originaire de Charleroi, s’est lancé sur les foires avec un véritable tea-room ambulant, 80 tonnes de matériel transporté en train de foire en foire. A l’époque, pour un enfant, aller manger une gaufre chez Lacquemant était la récompense suprême. En 1920, les prix élevés (30 centimes français, soit environ 3 francs belges) n’attiraient qu’une clientèle bourgeoise.

Chez Désiré Mais Désiré de Lille ne se trouve pas à Lille, c’eût été trop simple. C’est donc à Anvers que nous allons retrouver la trace de Marc Stoffels, le petit-fils de l’inventeur du véritable lacquemant de Liège.
Le forain est aujourd’hui devenu un sédentaire, installé en plein centre d’Anvers dans une rue piétonne où il possède deux établissements très renommés, Marc Stoffels a gardé l’esprit forain et continue à servir les meilleurs lacquemants du pays dans son tea-room très couru par la bonne société anversoise. Son frère et ses cousins liégeois poursuivent la tradition familiale sur les foires et continuent de servir cette recette ancestrale, dont la famille conserve jalousement le secret. Même la reine Fabiola n’a pu l’obtenir lorsqu’elle était en visite à la foire d’Anvers dans les années 80. La seule chose que j’ai pu apprendre, c’est qu’il s’agit d’une galette de pâte feuilletée et levée mélangée qui gonfle à la cuisson. On l’appelle également gaufre parisienne ou sultane. Quant au sirop de sucre, il s’agit d’un mélange fait maison, au délicieux parfum de fleurs d’oranger.
Si, après avoir lu cette enquête, vous n’avez pas envie de mordre dans une délicieuse gaufre chaude, alors foi de Père et Fils, nous rendons notre tablier!

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PETITE HISTOIRE GOURMANDE
         Selon le Larousse gastronomique, il semblerait que les Grecs inventèrent la gaufre puisqu’ils faisaient déjà cuire des gâteaux très plats entre deux plaques de métal chaudes, que l’on appelait obelios.
          Ensuite, les Francs auraient ramené cette pâtisserie d’une invasion quelconque. Ils la nommèrent walfa, “rayon de miel”, par référence aux alvéoles de la ruche qui inspirèrent vraisemblablement la forme des moules à gaufres.
          On retrouve ce nom de walfa en Flandre avec le mot wafel, qui signifie gaufre.
          En Wallonie, on utilise le mot waffe quand la gaufre est molle. Quand elle est dure, elle devient galette.
         La gaufre telle que nous la connaissons date d’avant la Renaissance. C’est aussi à cette époque qu’apparaît la gaufrette, appelée galette dans nos régions.
         Au Moyen Age, fabriquée et vendue par les oubloyers, elles étaient la tentation des princes et des seigneurs. Les moules à gaufres étaient réalisés par le forgeron local qui les gravait de motifs différents : quadrillages, armoiries, fleurs stylisées ou symboles religieux.
         Sur les parvis des églises où les gaufres étaient vendues, elles s’appelaient les gaufres à pardon.
         François 1er en raffolait et on utilisait, pour confectionner ses gaufres, des gaufriers en argent.
         Dans les années 1890, cette pâtisserie se trouvait dans de nombreux restaurants de la capitale, notamment à Laeken et au bois de la Cambre. A l’époque, le Journal de la cuisine disait de la gaufre : “Le prix un peu élevé de cette friandise, que l’on vend ordinairement 50 à 60 centimes, étonne beaucoup de gens qui ignorent que sa préparation est assez chère.”


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