En date: 04/03/2011, La DH titrait :
Un nouveau drame évité de justesse !
Une nouvelle fuite de gaz a nécessité l’évacuation de tout un quartier, tout près de la rue Léopold de sinistre mémoire
“Il s’agit de l’alerte au gaz la plus importante et la plus dangereuse en dix ans.” Les mots prononcés par Michel Lemmens, le porte-parole des conseillers en prévention de l’ALG (l’Association liégeoise du gaz), donnent froid dans le dos.
Il était environ 9h30 lorsqu’un commerçant de la rue Hors-Château, à Liège, a prévenu les secours. L’homme percevait, dans son magasin, une forte odeur de gaz.
Les services sont rapidement intervenus et ont immédiatement mesuré la concentration en gaz. Elle était des plus inquiétantes. Il fut donc décidé d’établir un périmètre de sécurité et d’évacuer tout le quartier.
Le problème, c’est que ledit périmètre comprenait des logements, des commerces, des bureaux et surtout quatre écoles.
Au total, environ 3.000 personnes ont été priées de décamper le plus vite possible, mais dans le calme et la discipline.
Dans l’ensemble, tout s’est remarquablement bien passé. Les élèves ont été encadrés et rassemblés sur l’esplanade Saint-Léonard, située à cinq cents mètres environ. Là, il fut décidé de donner l’autorisation aux jeunes de rentrer chez eux.
Cela dit, trois endroits ont été réquisitionnés par la ville pour permettre à ceux qui n’avaient pas de solution, de rester au chaud dans l’attente de leurs parents.
Pendant ce temps, pompiers et techniciens de l’ALG ont isolé les conduites en cause et se sont lancés dans une recherche éperdue de la brèche. Une recherche acharnée qui a fini par porter ses fruits vers 14h30.
La fuite a en effet été localisée au n° 19 de la rue Hors-Château. La fuite a donc été colmatée, ce qui ne fut pas aisé.
Elle se situait, en effet, près de câbles à haute tension. Malgré cela, le périmètre de sécurité a été maintenu en raison du risque encore élevé d’explosion.
En effet, même si les conduites de gaz ont été rapidement fermées, la concentration en gaz a atteint les 100 % en certains endroits.
Il va donc falloir ventiler les égouts et les locaux exposés au gaz et ensuite procéder à des vérifications avant de pouvoir lever ledit périmètre de sécurité et permettre aux personnes évacuées de circuler à nouveau dans le quartier.
Ces opérations devraient prendre un jour ou deux.
J.-M. C.
Les élèves de quatre écoles ont été évacués et emmenés sur l’esplanade Saint-Léonard toute proche.
Monsieur Georges, directeur de l’EHT et témoin privilégié a tenu à raconter ce drame vu de l’intérieur :
« HISTOIRE VÉCUE »
Le Directeur Gérard GEORGES témoigne : « Nous avons frôlé la catastrophe… »
C’est très précisément le mercredi 03 mars 2010 à 9 h.21 que j’entends de mon bureau situé au 1er étage du 13 Hors-Château à Liège le bruit d’un pas très pressé et régulier venant des escaliers.
Un pompier portant une tenue complète, le casque et la bouteille d’oxygène fixée dans le dos s’adresse immédiatement à moi en s’écriant :
« Vous êtes le Directeur ? »
Je lui réponds : « Affirmatif ! »
Le pompier poursuit tout en rentrant dans mon bureau :
« Faites évacuer immédiatement votre école ! Il y a une fuite de gaz dans la rue et nous n’avons pas une minute à perdre… ».
Nous sommes donc au 1er étage de l’Ecole d’Hôtellerie et de Tourisme de la Ville de Liège qui occupe le 5 et le 13 en Hors-Château à 4000 Liège.
Il est 9 h.22.
Sur base de notre plan d’évacuation des bâtiments 5 et 13 de la rue Hors-Château, je lance, en présence du pompier, deux appels téléphonique avec demande d’évacuation immédiate : « Alerte suite à une importante fuite de gaz, il faut vider tous les lieux calmement… » ;
· la 1ère demande est destinée à Madame Nelly S’HEEREN, surveillante-éducatrice dont le bureau se situe au 13 Hors-Château
· la 2ème demande est destinée à Madame Chantal CLAESSENS, Directrice adjointe dont le bureau est situé au rez-de-chaussée du 5 Hors-Château.
Avant de quitter le bâtiment, je fais rapidement le tour complet de ce grand bâtiment du n° 13 avec le pompier qui m’avait interpelé quelques instants auparavant.
Nous constatons avec soulagement que tous les locaux ont bien été évacués et ce d’une manière rapide, ordonnée et calme.
Il est 9 h.25.
Le pompier et moi sortons du 13 pour nous diriger via la rue dans la cour du n° 5 En Hors-Château.
La rue Hors-Château est semi-déserte ; toutes les taques d’égout ont déjà été soulevées dans la rue afin de faciliter le dégagement du gaz qui devait être omniprésent dans les conduites d’égout et dans de nombreuses caves.
Aucun véhicule ne circule dans la rue qui est plongée dans un silence lourd et inquiétant.
Madame Chantal Claessens, Directrice-adjointe, veille bien à quitter le 5 Hors-Château en dernier lieu car le bâtiment devait être complètement vidé de ses occupants.
Un policier voyant que tous les élèves et leurs professeurs du 5 et du 13 étaient regroupés dans la cour du 5, donne à tous l’ordre de quitter immédiatement la cour et de se diriger calmement en dehors du quartier.
Avec Madame Claessens, nous relayons la demande du policier et proposons à tout le monde de se rendre Place du Marché avec l’intention une fois sur place, de nous rassembler dans la Salle de Pas perdus de l’Hôtel de Ville de Liège.
La tâche n’est pas facile pour le service d’ordre qui demande à la population des autres maisons de la rue d’évacuer leur habitation. Certains riverains, à peine réveillés, sont hésitants mais doivent s’exécuter sur le champ. Plusieurs portes d’entrée sont même défoncées par les pompiers qui veulent s’assurer que tout le quartier est bien vide te tous les occupants.
C’est toujours dans un ordre parfait que tous les professeurs ont encadré leurs élèves afin que tous ensemble nous nous rendions Place du Marché.
Ce moment était particulièrement impressionnant car la police avait déjà cerné la rue Hors-Château par des rubans de sécurité nous faisant comprendre que l’on sortait d’une zone déjà déclarée interdite depuis quelques minutes.
Moment étonnant également car notre groupe de plus de 300 éléments comprenait des professeurs et des élèves en tenue de cuisinier, de boulanger, de boucher, en tenue de salle ou simplement en costume civil sans oublier le staff de direction, le personnel d’entretien, les surveillantes-éducatrices,…
Il est 9 h.35.
Arrivé Place du Marché, je me dirige immédiatement dans l’entrée à l’Hôtel de Ville afin d’obtenir l’autorisation de regrouper nos élèves dans la Salle des pas perdus.
Je compris très vite que l’Hôtel de Ville venait, lui aussi d’être évacué.
Pour raison de sécurité, même s’il ne faisait pas très chaud ce jour-là, nous nous sommes rendus sur la Place Saint Lambert en attendant une situation plus confortable…
Ayant vécu en janvier de la même année 2010 le drame de la rue Léopold, j’avais conservé les numéros des services d’accueil avec lesquels j’avais travaillé les 13 et 14 février, services d’accueil toujours opérationnels dans l’ancienne Halle aux viandes qui hébergeait encore quelques sinistrés.
Ces services d’accueil m’ont autorisé à me rendre avec mes élèves et mes professeurs dans l’ancienne Halle aux viandes et l’accueil s’organise immédiatement.
Il est 9 h.50.
Durant cet hébergement, les élèves ont eu la possibilité de prévenir leurs parents de la situation réelle et du fait qu’ils pouvaient regagner leur domicile soit directement en utilisant le bus, soit indirectement en attendant leurs parents jusqu’à 13 heures.
Il est 13h.30.
Je suis informé du fait que, même si les élèves et les professeurs sont rentrés chez eux, je dois rester à disposition du comité de crise jusqu’à ce que la situation se stabilise.
En ce qui me concerne, un nouveau rebondissement m’attend.
Il est 15 h.
Je me tenais à disposition de la cellule de crise de la rue Féronstrée, je suis appelé en urgence par la Police, via le comité de crise alors que je suis en attente dans la rue Féronstrée.
En effet, un taux de gaz important ayant été décelé dans toutes les caves du Bâtiment situé au n° 5 et du Bâtiment situé au n° 13 de la rue Hors-Château, je devais confier toutes les clefs de l’école aux forces de l’ordre.
Après de nombreuses explications et un schéma de l’école, je confie donc mon trousseau de clefs principales à un policier qui, fait du hasard, me connaissait très bien car j’avais été, en son temps, son entraîneur de natation au club MOSA-Liège.
Dix minutes plus tard, ce policier venait me rechercher car la situation était particulièrement complexe avec le nombre de clefs à gérer pour tout le bâtiment, il me demande de l’accompagner à l’école.
J’accompagne donc une équipe de trois hommes : le policier, un pompier et un homme de l’ALG (Association Liégeoise du Gaz) porteur d’un appareil détecteur, afin de me rendre à l’école.
Chemin faisant, je me souviens avoir entendu un sifflement assez impressionnant, sifflement provenant du trottoir situé au pied de la Montagne de Bueren.
« Ne vous approchez pas trop près » me confiera le pompier car c’est précisément de cet endroit que, depuis ce matin, s’échappe le gaz suite à un trou important constaté dans la conduite.
Notre équipe de 4 entre donc au cœur de l’école afin d’ouvrir toutes les portes du bâtiment, toutes les fenêtres, toutes les caves, afin de pouvoir aérer tous les locaux d’une manière optimale.
Cette épreuve était particulièrement délicate car on ne devait provoquer aucune secousse.
Il est 15 h.20.
Mon GSM sonne et je me fais fusiller du regard par l’équipe qui me somme de le couper immédiatement…
J’ai découvert chaque local de notre école dans une situation que j’appellerai de « moment figé ».
En effet, en cuisine, les bacs de nourriture étaient toujours au sol, à moitié vidés ; les légumes étaient coupés en julienne non finie, l’ordinateur d’un professeur était resté branché, le four à air pulsé était branché à 200 ° C mais sans contenir de victuailles,… Je me suis précipité pour éteindre cet appareil qui constituait un danger imminent.
En boulangerie, j’ai constaté que la pâte à pizza avait débordé d’une immense marmite posée sur la table de travail. Comme une lave qui sort de son volcan, cette pâte avait levé en débordant de la marmite en épousant la table de travail et en débordant même jusqu’au sol…
Une image impressionnante que je suis loin d’oublier.
De plus, le silence face à ces situations figées me donnait l’impression d’une école où le temps s’était arrêté une bonne fois pour toutes…
Avec l’équipe, nous avons donc revérifié si toutes les portes, toutes les fenêtres étaient bien ouvertes puis nous avons reçu l’ordre de quitter les lieux.
La rue est toujours déserte et toujours interdite d’accès sauf pour les services de secours.
Il est 16 h.30.
En repassant près de la Montagne de Bueren où se situait la fuite, je constate que les hommes d’intervention semblaient rassurés car le sifflement venait de s’arrêter.
« On a enfin colmaté la fuite mais cela n’a pas été très facile… » me confiera un délégué de l’ALG.
En réalité cette fuite avait été repérée sur une conduite à moyenne pression c'est-à-dire supportant une pression entre 1 et 15 bars.
Le danger était lié au fait qu’en plus du gaz, une conduite d’électricité touchait directement la conduite de gaz.
L’explosion du gaz pouvant se déclencher pour une pression située entre 5 et 15 bars, la lutte des équipes de secours devait donc absolument maintenir la pression entre 0 et 4 bars pour éviter l’explosion. Ce qui fut fait par les équipes au prix d’efforts importants d’isolation de la conduite qui touchait, pour rappel, une conduite électrique.
Après avoir patienté toute la soirée dans un café « le Rivoli » de la rue Féronstrée en présence de nombreux habitants très inquiets du quartier qui avaient dû évacuer leur logement, nous avons enfin reçu l’avis de fin du couvre-feu.
Il est 23 heures en ce mercredi 03 mars 2010.
La vie reprend progressivement le cours normal de ses activités, les habitants regagnent leur maison et je peux regagner l’école. Je ferme toutes les fenêtres et toutes les portes de l’école.
Toutes les voitures restées bloquées dans la cour passeront la nuit à l’école.
C’est aussi une scène très émouvante.
Le lendemain, la presse comparant la fuite de la rue Hors-Château à la catastrophe de Ghislenghien parlait des « miraculés de la rue Hors-Château… ».
En effet, une explosion au sein d’un site hyper occupé d’habitations et d’habitants aurait pu créer un véritable cratère qui gommait, de la carte du monde, le quartier du pied de la montagne de Bueren.
Oui, nous avons été épargnés grâce aux efforts d’hommes et de femmes qui ont fait preuve d’une grande compétence ; des hommes et des femmes que nous ne remercierons jamais assez, qu’ils fassent partie de la cellule de crise, des responsables et ouvriers du service du gaz, des services de police locale et des services des pompiers, sans oublier nos élèves et nos professeurs.
Oui, nous avons frôlé la catastrophe !
Commentaires
Enregistrer un commentaire